Canadian Subatomic Physics Long Range Plan

Section 1 –
Les moteurs scientifiques et l’impact du travail canadien

L’objectif principal de la physique subatomique est de repousser les frontières de la connaissance concernant la composition de l’univers jusqu’aux échelles de distance les plus petites. Dans ce cadre, la physique subatomique a pu extraire et traduire les observations des phénomènes naturels en lois universelles exprimées sous forme d’équations mathématiques. L’existence de ce vaste échafaudage théorique est la raison même pour laquelle nous pouvons formuler des questions spécifiques sur l’univers et progresser systématiquement dans l’exploration de l’inconnu.

Le domaine de la recherche en physique subatomique a considérablement progressé au cours des deux dernières décennies, notamment grâce aux avancées technologiques, à la puissance de calcul disponible et aux développements théoriques. À titre d’exemple, la découverte du boson de Higgs en 2012 au LHC a constitué la pierre angulaire du modèle standard de la physique des particules, mais de nombreuses questions restent des « moteurs scientifiques » pour le domaine. En outre, le boson de Higgs est désormais devenu un outil pour faire avancer notre compréhension de la physique subatomique.

Le comité de planification à long terme a identifié huit moteurs scientifiques dans le domaine de la recherche en physique subatomique en 2022, qui englobent un certain nombre de questions sous-jacentes :

Moteur scientifique —
Higgs, la physique à l’échelle électrofaible et au-delà

Quelle est la nature précise du secteur de Higgs et du secteur des saveurs du modèle standard? Quelle est la physique de la rupture de symétrie électrofaible? Qu’y a-t-il au-delà de l’échelle électrofaible?

Moteur scientifique —
Symétries fondamentales et asymétries observées

Quelles sont les symétries fondamentales de la nature et comment expliquer les déséquilibres observés, par exemple la symétrie matière-antimatière dans l’univers?

Moteur scientifique —
Propriétés des neutrinos

Quelle est la nature de la masse des neutrinos, de la hiérarchie des masses et des interactions entre neutrinos?

Moteur scientifique —
Matière noire et secteurs sombres potentiels

Quelle est la nature de la matière sombre dans l’univers et ses interactions? La matière noire fait-elle partie d’un secteur sombre plus étendu?

Moteur scientifique —
Nouveaux principes et nouvelles structures physiques

Un large éventail de questions théoriques, notamment concernant les principes et structures théoriques formels qui sous-tendent les forces et la matière dans l’univers.

Moteur scientifique —
Propriétés et phases des hadrons

Comment les quarks et les gluons donnent-ils naissance aux propriétés des nucléons et des autres hadrons, ainsi qu’aux phases hadroniques de la matière dans des conditions extrêmes?

Moteur scientifique —
Structure nucléaire

Comment la structure nucléaire émerge-t-elle des forces nucléaires et finalement des quarks et des gluons?

Moteur scientifique —
Formation cosmique des noyaux

Comment les propriétés des noyaux expliquent-elles la formation des éléments dans l’univers?

Figure 1.
Représentation schématique des trois grandes orientations scientifiques et des huit moteurs scientifiques pour le domaine de la recherche en physique subatomique.

Ces moteurs scientifiques sont profondément interconnectés. Combinés, ils définissent trois grandes orientations scientifiques en physique subatomique, comme l’illustre la figure 1. Pour répondre à l’ampleur de ces moteurs scientifiques, il faut un programme de recherche diversifié, composé de projets audacieux avec des objectifs complémentaires, exploitant une variété de techniques différentes. Dans la suite de cette section, ces moteurs scientifiques sont décrits plus en détail, en mettant l’accent sur les progrès scientifiques récents ainsi que sur les activités et les réalisations canadiennes. En effet, la physique subatomique canadienne jouit d’une réputation mondiale enviable, avec un impact sur un certain nombre de grands projets qui ont fait progresser notre compréhension au cours des dernières décennies. Dans son rapport de 2018 intitulé « Rivaliser dans une économie mondiale axée sur l’innovation : l’état actuel de la R et D au Canada », le Conseil des académies canadiennes soulignait l’impact mondial de la recherche canadienne en physique subatomique, tel que mesuré par la moyenne des citations relatives qui est passée de 1,79 à 2,05 par rapport à la moyenne canadienne de 1,43. Compte tenu de son incidence mondiale, mais de la taille relativement restreinte de la communauté, la physique et l’astronomie ont été mises en évidence par ce rapport comme une occasion de recherche pour le Canada, et les opportunités et plans futurs seront décrits à la section 3.

Moteur scientifique — 
Higgs, la physique à l’échelle électrofaible et au-delà

La découverte du boson de Higgs en 2012 a permis d’identifier le dernier ingrédient manquant du modèle standard de la physique des particules. Elle a également déterminé l’un des principaux agents de la rupture de la symétrie fondamentale électrofaible dans la nature. Pourtant, le secteur électrofaible reste l’un des aspects les plus déroutants du modèle standard. Le boson de Higgs est un type de matière qui n’a jamais été observé auparavant et dont les propriétés doivent encore être étudiées en détail. Sa masse, par exemple, n’est contrainte par aucune symétrie dans le modèle standard, et contrairement à la structure mathématique des autres forces de la nature qui sont entièrement définies sur la base de propriétés de symétrie, l’ajout d’interactions de Higgs conduit à un grand nombre de paramètres indéterminés dans le modèle standard. Ainsi, notre compréhension actuelle du rôle du boson de Higgs dans l’univers est particulièrement ad hoc et incomplète. Elle contraste fortement avec la simplicité structurelle d’autres aspects du modèle standard. En particulier, cela soulève la question fondamentale des principes sous-jacents déterminant les propriétés du boson de Higgs. Cette question motive l’existence possible de nouveaux phénomènes de la nouvelle physique, au-delà de ceux décrits par le modèle standard, mais elle caractérise également le boson de Higgs comme une sonde unique pour explorer les processus physiques à l’échelle électrofaible et au-delà.

L’exploration des phénomènes physiques à l’échelle électrofaible et au-delà se produit dans les collisions proton-proton au LHC et se poursuivra dans les années à venir au LHC à haute luminosité, à la fois par la mesure des processus électrofaibles connus et par la recherche de signatures de nouveaux phénomènes. Un futur collisionneur électron-positron, tel que celui proposé par l’ILC au Japon ou le FCC-ee en Europe, fonctionnera à titre d’usine à bosons de Higgs, produisant ces particules en quantités énormes dans le but d’en mesurer les propriétés à un niveau de précision sans précédent. De plus, celui-ci permettrait peut-être de découvrir des indices de phénomènes physiques au-delà de ceux prévus par le modèle standard.

Les mesures de précision des processus physiques à plus basses énergies constituent également une fenêtre complémentaire sur la nouvelle physique à l’échelle électrofaible et au-delà. En effet, le degré de précision des mesures et des prédictions du modèle standard est un aspect de la recherche en physique subatomique qui est unique parmi toutes les sciences, et qui peut être utilisé pour révéler les petites divergences qui émergent de la nouvelle physique. Cette sensibilité peut être obtenue par l’étude de processus rares ou interdits dans le modèle standard, par exemple, dans les désintégrations des leptons tau, des kaons, des hadrons inférieurs et charmés, ou par l’étude de processus bien compris sur le plan théorique, tels que la diffusion électron-électron.

Contributions et
réalisations canadiennes

Les chercheurs canadiens ont joué et continuent à jouer un rôle de premier ordre dans les recherches expérimentales sur la physique à l’échelle électrofaible et au-delà. Ils sont le fer de lance de plusieurs projets internationaux complémentaires distincts, à la frontière des hautes énergies et de la précision, dans des installations uniques situées à l’étranger. Les réalisations spécifiques des Canadiens au cours des cinq dernières années sont les suivantes :

  • L’expérience ATLAS est conçue pour étudier les résultats des collisions proton-proton produites par le LHC à la plus haute énergie jamais atteinte dans un laboratoire. Les Canadiens ont joué et continuent à jouer un rôle essentiel dans tous les aspects de ce programme de recherche international. Les principales réalisations de ces cinq dernières années sont les suivantes :
    • Les Canadiens ont directement contribué à l’analyse des données ATLAS, ce qui a donné lieu à la publication de 120 articles revus par comité de lecture portant sur un large éventail de sujets, notamment la mesure des propriétés du boson de Higgs, les études du secteur électrofaible et la recherche d’indices de nouveaux phénomènes physiques.
    • Parallèlement, l’équipe ATLAS-Canada a entrepris la mise au point et la construction de nouveaux éléments de détection aux performances nettement améliorées afin de mettre à niveau le détecteur ATLAS en vue de la prise de données du HL-LHC.
      • L’équipe d’ATLAS-Canada a construit et livré au CERN un quart de tous les éléments requis pour le détecteur de muons. Elle termine désormais leur intégration dans ATLAS. Ces nouveaux éléments de détection de muons donneront à l’expérience ATLAS la capacité d’identifier en temps réel les collisions de protons d’intérêt qui doivent être enregistrées pour une future analyse détaillée des données hors ligne.
      • L’équipe ATLAS-Canada a assumé la responsabilité de la construction d’un nouveau système de suivi des particules à la pointe de la technologie dans le but de reconstituer avec précision la trajectoire de milliers de particules chargées, créées simultanément dans des collisions proton-proton au HL-LHC.
      • L’équipe d’ATLAS-Canada met également au point une nouvelle lecture électronique pour le système calorimétrique d’ATLAS qui améliorera considérablement la capacité de mesurer avec précision l’énergie des particules, dans les conditions expérimentales les plus difficiles prévues au HL-LHC.
    • En outre, TRIUMF développe et fournira des cryomodules à cavité en crabe pour le HL-LHC dans le cadre d’une contribution canadienne à la mise à niveau de l’accélérateur.
  • L’expérience Belle II du laboratoire KEK au Japon recherche des preuves de la nouvelle physique dans un large éventail d’états finaux où les prédictions du modèle standard sont bien comprises. Son programme de physique est basé sur l’étude d’une quantité record de collisions électron-positron à une énergie spécifique favorisant la production de hadrons B. Il est complémentaire du programme de physique du LHC. Les Canadiens ont dirigé le développement d’aspects essentiels de l’expérience Belle II et contribuent actuellement à son exploitation. Voici quelques exemples de réalisations au cours des cinq dernières années :
    • L’équipe canadienne a fourni le blindage destiné à protéger les calorimètres « endcap » du niveau élevé de rayonnement généré par les faisceaux de particules accélérées intenses. Le blindage contient également des moniteurs utilisés pour caractériser le bruit de fond pendant l’injection du faisceau afin de faciliter le fonctionnement du collisionneur.
    • Les Canadiens ont développé le code de reconstruction pour le calorimètre Belle II en exploitant avec succès l’ensemble des informations de la forme d’onde pour produire une résolution énergétique nettement meilleure en présence de bruit de fond et en inventant une capacité d’identification des hadrons à la fois unique et novatrice. Cette contribution a un impact positif sur l’ensemble du programme Belle II grâce à l’augmentation de la sensibilité globale des études de physique.
    • L’interprétation des données de collision nécessite une simulation détaillée des processus physiques connus, par exemple pour estimer les bruits de fond. L’équipe canadienne a créé et maintient désormais le modèle virtuel du détecteur Belle II nécessaire à l’ensemble du programme de physique de Belle II.
    • Les Canadiens ont déjà commencé à exploiter le nouvel ensemble de données sans cesse croissant de Belle II et ils ont publié des résultats préliminaires concernant la recherche de nouvelles particules appartenant à un potentiel « secteur sombre » de l’univers.
    • Les Canadiens ont dirigé le développement du projet international Chiral-Belle, une proposition visant à mettre à niveau le collisionneur e+e− SuperKEKB avec des faisceaux d’électrons polarisés. L’objectif principal de Chiral-Belle est de mesurer avec précision l’angle de mélange électrofaible, un paramètre fondamental du modèle standard, à des échelles d’énergie complémentaires à d’autres mesures, afin de rechercher des preuves d’une nouvelle physique au-delà du modèle standard. L’équipe canadienne dirige l’étude de la dynamique du faisceau de particules accélérées autour des composants essentiels de la future infrastructure de l’accélérateur : les rotateurs de spin utilisés pour aligner les électrons polarisés au point de collision, et le polarimètre Compton utilisé pour surveiller en permanence la polarisation du faisceau d’électrons avec une grande précision.
  • L’expérience NA62 au CERN vise à mesurer avec une grande précision les fractions d’embranchement de la désintégration des kaons rares. L’expérience a permis de recueillir des données au cours de la période 2016-2018 et une période de prise de données est prévue pour 2022-2025. Les Canadiens ont contribué aux activités opérationnelles et de développement liées au calorimètre et aux systèmes de suivi. Au cours des cinq dernières années, l’équipe canadienne s’est concentrée sur l’objectif principal de l’expérience, la mesure du mode de désintégration ultra-rare du kaon K+ → π+ νν. Le processus de désintégration est fortement supprimé dans le modèle standard, mais sa probabilité d’apparition est calculée avec précision au niveau 10-10. La mesure de ce processus de désintégration ultra-rare offre une occasion unique de rechercher une nouvelle physique à des échelles de masse très élevées, de manière complémentaire aux recherches menées au LHC.
  • L’objectif de l’expérience MOLLER est d’effectuer la mesure hors résonance la plus précise au monde de l’angle de mélange électrofaible, en utilisant la diffusion d’électrons polarisés au Jefferson Laboratory (JLab) aux États-Unis, comme un essai sensible pour la physique au-delà du modèle standard. L’expérience est en cours de développement et la collecte de données est prévue dès 2027. Depuis le dernier PLT, l’équipe canadienne a réalisé d’importants progrès dans la conception du spectromètre magnétique, des détecteurs intégrés et de l’électronique associée. L’équipe canadienne a également assumé des rôles de premier plan dans le domaine des logiciels de simulation et d’analyse.
  • L’expérience MoEDAL au LHC est un réseau de détecteurs spécialisés conçus pour détecter les monopoles magnétiques et d’autres particules massives hautement ionisantes, dont l’hypothèse d’existence est émise dans un certain nombre de scénarios de la physique au-delà du modèle standard. Au cours des cinq dernières années, les Canadiens ont participé à l’obtention de données de l’expérience et ont contribué à la publication des premiers résultats de physique issus de la collaboration, qui fournissent certaines des contraintes les plus strictes à ce jour concernant l’existence des monopoles. Les Canadiens ont aussi dirigé le développement, la construction et désormais, l’installation actuelle d’un nouveau système de détection qui permettra d’élargir considérablement le programme de physique de l’expérience pendant la prochaine campagne de collecte de données 3 du LHC.
  • La proposition d’expérience MATHUSLA a été développée au cours de la dernière période du PLT. L’expérience proposée est un détecteur dédié de grand volume qui sera situé sur la surface, au-dessus de l’une des régions d’interaction du LHC. L’expérience aura pour but de rechercher des particules neutres à longue durée de vie dont on suppose l’existence dans divers scénarios de nouvelle physique au-delà du modèle standard. Les Canadiens ont joué un rôle crucial dans le développement de la physique de cette proposition expérimentale par le biais de diverses études de sensibilité. Les Canadiens ont récemment participé à la construction et à la mise en service d’une unité de démonstration et contribueront à l’analyse des données préliminaires enregistrées avec ce démonstrateur.
  • Le développement d’une future usine de Higgs est considéré par la communauté internationale comme une priorité absolue. L’ILC est la proposition la plus avancée et la plus mature sur la scène mondiale qui, si elle est approuvée, serait située au Japon. Il existe également des propositions complémentaires pour des machines à électrons-positrons, telles que le futur collisionneur circulaire (FCC-ee), une fois que le HL-LHC sera arrivé à son terme, et qui pourrait éventuellement être transformé en machine à hadrons à la prochaine frontière énergétique. Au cours des cinq dernières années, les Canadiens ont continué à contribuer aux travaux de R et D pour la conception de systèmes de poursuite et de calorimètres, et pour améliorer les performances des cavités de radiofréquences supraconductrices (SRF) pour un futur détecteur ILC. Plus récemment, les Canadiens se sont joints aux efforts internationaux visant à mettre au point des dispositifs de détection à semi-conducteurs qui peuvent tolérer des niveaux de rayonnement très élevés et être utilisés dans la conception de systèmes de poursuite dans les futurs collisionneurs. De plus, TRIUMF est membre d’une collaboration internationale sur le développement de cavités SRF en crabe pour l’ILC. Ce programme collectif de R et D s’appuiera sur l’infrastructure canadienne existante et permettra aux Canadiens de jouer un rôle central dans un futur projet de collisionneur international.
  • La communauté canadienne de la théorie des particules a activement proposé des moyens de vérifier si le boson de Higgs découvert en 2012 est le même que celui prédit par le modèle standard en utilisant les données du LHC et au-delà. Il explore les signatures d’une nouvelle physique qui motivent les analyses des collisionneurs.

Moteur scientifique —
Symétries fondamentales
et asymétries observées

Les principes de symétrie jouent un rôle fondamental en dictant les lois de la nature. Pourtant, la réalisation complète de notre univers repose également sur des mécanismes subtils par lesquels la symétrie est brisée ou cachée. Ainsi, les mesures expérimentales de précision des symétries observées et des violations de symétrie connues constituent une approche puissante et complémentaire de la recherche de nouveaux phénomènes physiques au-delà du modèle standard. Plus précisément, les tests d’invariance sous les transformations discrètes de la conjugaison des charges (C), de la parité (P) et de l’inversion du temps (T) fournissent des sondes importantes pour la nouvelle physique. Les observations expérimentales ont établi que la symétrie associée aux transformations P individuelles et CP combinées est violée dans la nature, et ces effets sont intégrés dans le modèle standard, bien que leur origine fondamentale reste inconnue. De plus, l’ampleur de la violation de la symétrie CP observée dans la nature est insuffisante pour expliquer la prédominance de la matière sur l’antimatière observée dans l’univers. Les sources de violation de la symétrie CP (ou T) dues à des phénomènes de la nouvelle physique peuvent être recherchées par le biais d’un certain nombre d’approches expérimentales distinctes, notamment : des mesures de précision de la violation de la symétrie CP dans les désintégrations de kaons et de mésons B; la recherche d’une violation de la symétrie CP dans les oscillations des neutrinos dans les expériences à grande distance et la recherche de l’existence de moments de dipôle électrique violant la symétrie temporelle dans les neutrons, les atomes et les molécules. Il est intéressant de noter que la violation de la symétrie de parité offre un moyen extrêmement sensible d’étudier l’interaction faible du courant neutre, qui est autrement généralement masquée par les processus électromagnétiques dominants. Par conséquent, des tests de précision de l’interaction faible peuvent être réalisés à l’aide de mesures violant la parité effectuées dans la diffusion électron-électron, la diffusion électron-proton, les systèmes atomiques et à l’aide de neutrons froids. D’autres tests importants des propriétés de symétrie du modèle standard incluent l’universalité de la saveur des leptons et la conservation du nombre de leptons, qui peuvent être explorés dans diverses désintégrations de particules et dans des expériences qui étudient la nature des neutrinos. Enfin, la symétrie CPT combinée, considérée comme une symétrie exacte de la nature, peut être testée dans des expériences de spectroscopie utilisant des atomes d’antihydrogène. Toute déviation observée impliquerait une rupture de la théorie quantique relativiste des champs.

Contributions et
réalisations canadiennes

Les paragraphes suivants décrivent certaines des contributions et des réalisations canadiennes des cinq dernières années liées à l’exploration des symétries fondamentales.

  • ALPHA est une expérience du CERN qui vise à tester la symétrie CPT et l’universalité des interactions gravitationnelles entre la matière et l’antimatière en utilisant la spectroscopie de l’antihydrogène. Grâce au leadership des Canadiens, la collaboration ALPHA a donné lieu à une série de réalisations notables, comme le test de la neutralité de la charge de l’antihydrogène, la mesure de la fréquence de la transition 1s–2s de l’antihydrogène et la démonstration du refroidissement par laser de l’antihydrogène.
  • TUCAN est une expérience à TRIUMF dont le but est de mesurer le moment dipolaire électrique des neutrons avec une précision sans précédent en utilisant des neutrons ultra-froids. Les Canadiens ont franchi des étapes importantes dans la mise en œuvre de ce programme de physique avec notamment : la construction d’un nouvel aimant rapide pour alimenter une nouvelle ligne de faisceaux de protons avec une cible de spallation de haute puissance; la production réussie des premiers neutrons ultra-froids à TRIUMF; et la caractérisation de leurs interactions avec de l’hélium superfluide.
  • L’objectif de la collaboration FrPNC est de rechercher des preuves de phénomènes de la nouvelle physique par l’étude des interactions faibles entre courants neutres avec des méthodes de physique atomique. Les Canadiens ont réussi à mettre en place une installation de piège à laser à TRIUMF et ils ont récemment franchi une étape importante : la détection de la transition interdite 7s−8s du Francium, ouvrant la voie aux futures mesures de violation de la parité.
  • Les Canadiens ont utilisé l’installation TRINAT à TRIUMF pour étudier les désintégrations des isotopes à courte durée de vie produits à ISAC dans le cadre de la recherche d’une nouvelle physique. La capacité récemment ajoutée de pomper optiquement et efficacement les atomes piégés a permis aux Canadiens d’obtenir la mesure la plus précise de l’asymétrie de la désintégration bêta à ce jour en utilisant 37K.
  • À l’aide de neutrons froids produits au Laboratoire national d’Oak Ridge, des Canadiens ont contribué à la première mesure de la violation de la parité dans les relations neutron-proton et neutron-3He, ce qui fournit les contraintes les plus strictes à ce jour sur les constantes de couplage faible nucléon-nucléon. Dans la foulée de ces efforts, les Canadiens ont également participé à l’élaboration de l’expérience Nab, qui permettra de vérifier la présence de la physique au-delà du modèle standard par l’étude de la désintégration bêta des neutrons froids. Plus précisément, les Canadiens ont mis au point un accélérateur de protons de 30 keV à l’Université du Manitoba, qui sera utilisé pour caractériser les détecteurs en silicium de grande surface de l’expérience Nab.
  • Les Canadiens ont réalisé des progrès importants dans l’élaboration d’expériences capables de tester et de mesurer les symétries fondamentales dans le cadre de divers autres programmes de recherche tels que ATLAS, Belle II, Chira-Belle, MOLLER, NA62, T2K, Hyper-K, DUNE, SNO+, nEXO et LEGEND, ainsi que des programmes expérimentaux dans les installations de faisceaux radioactifs. Les réalisations canadiennes spécifiques à chacun de ces projets sont présentées dans les descriptions des autres moteurs scientifiques.
  • L’une des principales motivations pour explorer de nouvelles sources de violation de la symétrie CP et du nombre de leptons est leur lien avec l’asymétrie matière-antimatière dans l’univers. Les théoriciens canadiens ont activement analysé les signatures physiques de ces mécanismes potentiels, les implications cosmologiques qui leur sont associées et les nouvelles possibilités d’essais expérimentaux.

Moteur scientifique —
Propriétés des neutrinos

Au cours des dernières décennies, les études sur les neutrinos ont révélé de nombreuses propriétés de ces particules insaisissables : de la découverte qui a changé le paradigme que les neutrinos ont une masse non nulle, jusqu’à la mesure des angles de mélange étonnamment grands entre les différentes espèces de neutrinos. Cependant, il y a encore beaucoup à apprendre. Nous ne connaissons pas l’échelle absolue de la masse des neutrinos, qui a une incidence importante sur l’impact des neutrinos et l’évolution de l’univers, ni quelle est l’espèce de neutrinos la plus légère, ni même si les neutrinos et les antineutrinos sont des particules distinctes. Nous ne savons pas non plus si les neutrinos violent la symétrie CP d’une manière qui pourrait contribuer à expliquer l’excès de la matière par rapport à l’antimatière dans l’univers.

L’approche expérimentale la plus prometteuse pour déterminer si les neutrinos sont ou non leurs propres antiparticules est la recherche d’une double désintégration bêta sans émission de neutrinos (0vββ). L’observation de ce processus de violation du nombre de leptons serait une preuve évidente de la présence d’une physique au-delà du modèle standard et démontrerait clairement que les neutrinos sont des particules de type Majorana et qu’ils peuvent donc obtenir leur masse d’une manière totalement indépendante du célèbre mécanisme de Higgs. Le taux observé de 0vββ contraindrait également la masse absolue des neutrinos. Un certain nombre d’expériences dans le monde entier sont à la recherche de 0vββ en utilisant différentes technologies et différents isotopes candidats. Le Canada joue un rôle de premier plan dans cet effort, car SNOLAB offre un site exceptionnel à faible bruit de fond.

Les mesures de précision des oscillations des neutrinos permettent de réaliser de nouvelles percées fondamentales. Les expériences d’oscillation de neutrinos, telles que celles basées sur les faisceaux de neutrinos à haute luminosité, les antineutrinos des réacteurs et les neutrinos atmosphériques, tenteront de déterminer la hiérarchie des masses de neutrinos et la phase de violation de la symétrie CP. Elles rechercheront aussi des signes de la nouvelle physique, comme l’existence de neutrinos stériles et d’interactions neutrino-matière non standard.

Les neutrinos peuvent également agir comme des « messagers », en fournissant des informations autrement inaccessibles sur des sujets tels que les explosions de supernova, la composition de l’intérieur de la Terre, le noyau solaire et les processus d’accélération des particules à haute énergie dans le cosmos. Ces neutrinos naturels offrent en outre la possibilité d’étudier les propriétés des neutrinos et de rechercher la physique au-delà du modèle standard.

Contributions et
réalisations canadiennes

Les chercheurs canadiens sont à la pointe des recherches expérimentales sur les propriétés des neutrinos. Les réalisations spécifiques des Canadiens au cours des cinq dernières années sont les suivantes :

  • L’expérience SNO+ dirigée par le Canada au SNOLAB recherchera la double désintégration bêta sans émission de neutrinos (0vββ) dans l’isotope 130Te. Elle contribuera également aux études sur l’oscillation des neutrinos en mesurant les antineutrinos des réacteurs et les neutrinos solaires de faible énergie. Des étapes importantes dans l’élaboration de ce programme de recherche ont été franchies. L’expérience SNO+ a débuté en 2017 avec une phase de remplissage d’eau et, après une collecte de données réussie avec de l’eau, la transition du détecteur vers un remplissage de scintillateur a été achevée en 2021.
  • L’objectif de EXO-200 et de la future expérience nEXO proposée est de rechercher la 0vββ dans le xénon. L’expérience EXO-200 a été close en 2018, à la Waste Isolation Pilot Plant (WIPP) au Nouveau-Mexique. Les Canadiens ont joué un rôle de premier plan, à la fois dans l’exploitation du détecteur et dans l’analyse subséquente des données, atteignant une sensibilité similaire à celle des recherches les plus sensibles et ne trouvant aucune preuve statistiquement significative de l’existence de la 0vββ. Les Canadiens ont contribué, en parallèle, au développement de la prochaine génération de l’expérience nEXO, qui pourrait être installée au SNOLAB. Par ailleurs, ils ont pris en charge la livraison de composants clés du détecteur, tels que le veto à muons du détecteur extérieur, les systèmes de circulation et de dosage de l’eau et les essais du détecteur de photons.
  • LEGEND est un programme d’expériences de la 0vββ basé sur 76Ge. Il est possible que l’expérience LEGEND-1000 proposée soit située au SNOLAB. Un petit effort sur ce programme de recherche a récemment été entrepris au Canada avec des contributions initialement axées sur le développement et la caractérisation de capteurs spécialisés en germanium.
  • L’expérience T2K est un projet sur les neutrinos à grande distance en cours au Japon. Les Canadiens ont joué un rôle actif à toutes les étapes de cette expérience, contribuant à de nombreux aspects de la construction et de l’analyse. Leur travail a abouti à la publication de la première contrainte significative sur la phase de violation de la symétrie CP dans les neutrinos, un résultat qui a un impact profond sur la communauté dans son ensemble et sur la planification de la prochaine génération d’expériences d’oscillation.
  • Le futur projet Hyper-K au Japon s’appuie sur les réussites de l’expérience T2K avec la construction d’un détecteur lointain huit fois plus grand et l’amélioration de l’intensité du faisceau du JPARC pour construire une expérience de neutrino de premier plan au niveau mondial. Le projet Hyper-K a été approuvé et la construction du détecteur a débuté en 2020. Le Canada a joué un rôle de premier plan dans le programme Hyper-K depuis sa conception. Les récentes activités de l’équipe canadienne se sont concentrées sur diverses initiatives visant à supprimer les sources d’incertitudes systématiques susceptibles de limiter à terme la précision des mesures Hyper-K. Par exemple, les Canadiens ont dirigé la proposition d’une nouvelle expérience de production de hadrons pour recueillir des données sur l’interaction des hadrons dans les régions de l’espace de phase pertinentes pour les mesures Hyper-K. Les Canadiens ont développé le concept de déplacement du détecteur proche vers différentes positions hors axe pour échantillonner différents spectres d’énergie des neutrinos. Les Canadiens ont également dirigé une expérience d’essai proposée au CERN pour définir les technologies de détection, les méthodes d’étalonnage et les modèles du détecteur Cherenkov à eau intermédiaire, nécessaires pour réaliser des mesures de la section efficace différentielle des neutrinos au pourcentage.
  • L’expérience DUNE, située à l’installation de recherche souterraine de Sanford (SURF) dans le Dakota du Sud, étudiera les oscillations de neutrinos à l’aide d’un faisceau de neutrinos artificiels, ainsi que les neutrinos atmosphériques, solaires et de supernovæ. La participation canadienne à l’expérience DUNE a été récemment établie avec des contributions autour des domaines clés suivants du programme de physique : mise en service du détecteur proche, développement de l’acquisition de données, systèmes de déclenchement et de calibration, et développement du modèle de calcul DUNE.
  • IceCube est un télescope à neutrinos à haute énergie situé au pôle Sud. Outre l’étude des neutrinos à ultra-haute énergie, IceCube apporte contribue de manière significative à la mesure de précision des paramètres de mélange à haute énergie. Les Canadiens ont établi leur leadership dans des analyses de données fondamentales, telles que les flux et les oscillations des neutrinos atmosphériques, les neutrinos de supernovæ, les recherches indirectes de matière noire et les tests de l’invariance de Lorentz. De plus, les Canadiens ont joué un rôle actif dans le développement et l’utilisation de nouveaux modules optiques qui seront déployés dans le cadre d’une extension d’IceCube afin d’améliorer la résolution angulaire des évènements de neutrinos à hautes énergies. Ces travaux de mise à niveau d’IceCube poursuivis par les Canadiens présenteront une grande synergie avec les travaux nécessaires pour mettre au point des algorithmes de déclenchement et de reconstruction similaires pour le futur détecteur P-ONE, qui utilisera des modules optiques presque identiques à ceux de la mise à niveau d’IceCube. En effet, le Canada se prépare à jouer un rôle majeur avec P-ONE au large de l’île de Vancouver, en Colombie-Britannique, dans le cadre d’un projet qui utilisera les infrastructures d’Ocean Networks Canada financées par le Fonds des initiatives scientifiques majeures de la FCI pour étendre les capacités mondiales et la couverture du ciel des télescopes à neutrinos.
  • HALO est une expérience de neutrinos de supernovæ dirigée par le Canada et exploitée au SNOLAB. L’équipe canadienne a étendu son leadership au développement de l’expérience HALO-1kT proposée, qui serait installée au Laboratorio Nazionale del Gran Sasso (LNGS) en Italie. HALO-1kT est un projet de détecteur mis en œuvre en raison de la disponibilité de 1000 tonnes de plomb provenant du démantèlement de l’expérience OPERA.
  • L’expérience BeEST vise à effectuer la recherche la plus sensible à ce jour de neutrinos stériles à l’échelle du keV en utilisant la désintégration par capture d’électrons du 7Be implanté dans des capteurs quantiques supraconducteurs. Les Canadiens ont contribué à la publication des premières limites avec cette technique. Ces nouvelles contraintes améliorent les mesures de désintégration précédentes jusqu’à un ordre de grandeur.
  • Le processus de diffusion élastique cohérente des neutrinos et des noyaux offre un environnement propre à la recherche de nouvelle physique. Il est également important sur le plan astrophysique, car il joue un rôle dans les processus des supernovæ et leur détection. Les Canadiens participent à un certain nombre d’expériences qui étudient, ou prévoient d’étudier, la diffusion élastique cohérente entre neutrinos et noyaux en utilisant différents types de noyaux cibles. Celles-ci comprennent COHERENT, Scintillating Bubble Chamber (SBC), NEWS-G, MINER et RiCOCHET.

Moteur scientifique —
Matière noire et secteurs sombres potentiels

Des données convaincantes provenant des courbes de rotation des galaxies, de la dynamique des amas de galaxies, de la structure à grande échelle de l’univers et du rayonnement micro-onde cosmique démontrent qu’environ ~ 85 % de la matière de l’univers actuel est constitué de matière noire non baryonique. En outre, les mesures de neutrinos et la structure à grande échelle indiquent que seule une petite fraction de la matière noire peut être sous forme de neutrinos. Un effort expérimental et théorique global teste de nombreuses hypothèses concernant la nature de la matière noire, y compris les reliques thermiques de l’univers primitif, une catégorie qui inclut les particules massives à faible interaction (WIMP), et une série de scénarios de masse plus légère motivés théoriquement, tels que les axions, les neutrinos stériles, les photons sombres et d’autres degrés de liberté du secteur sombre, y compris les médiateurs de nouvelles forces par lesquelles la matière noire pourrait interagir.

Les expériences peuvent rechercher la matière noire d’au moins trois façons : par la détection directe de la matière noire ambiante dans le HALO galactique, par la production et la détection dans des expériences basées sur des accélérateurs, et par l’observation des signatures d’annihilation de la matière noire.

Les recherches directes de candidats à la matière noire sont effectuées dans de grands observatoires souterrains ultra-propres ou par le biais de leurs éventuelles interactions avec un champ magnétique puissant. Les recherches les plus sensibles de WIMP de masse élevée utilisent des liquides nobles comme cible, tandis que les recherches directes de WIMP de masses faibles utilisent une variété de techniques et de matériaux, y compris des recherches de diffusion d’électrons. Les recherches de WIMP qui interagissent avec le spin des nucléons exploitent des cibles telles que le fluor. En revanche, les recherches directes d’axions reposent généralement sur une éventuelle conversion axion-photon qui pourrait avoir lieu dans un champ magnétique intense, tel que celui présent dans une cavité résonante ou à proximité d’un noyau dans un matériau cible.

Les particules de matière noire et les particules liées à un éventuel secteur sombre pourraient être produites dans des expériences basées sur des accélérateurs, dans des collisions de particules ou des expériences de décharge de faisceau. La stratégie de cette approche expérimentale consiste à rechercher les désintégrations visibles ou invisibles d’une particule médiatrice sombre qui se couplerait à la fois à la matière noire et aux particules connues du modèle standard.

Des recherches indirectes de la matière noire sont également menées par des observatoires astronomiques en vue de détecter des signatures de l’annihilation de la matière noire, notamment les rayons cosmiques et les neutrinos.

Contributions et
réalisations canadiennes

La présence du SNOLAB donne au Canada une position privilégiée pour jouer un rôle de premier plan dans la recherche directe de la matière noire. Les Canadiens ont été particulièrement productifs au cours des cinq dernières années et la liste suivante met en évidence certaines des réalisations récentes.

  • Dirigée par le Canada, l’expérience DEAP-3600 utilise un grand détecteur à argon liquide au SNOLAB pour rechercher des WIMP de masses élevées. En service depuis 2017, il a démontré avec succès les très faibles niveaux de bruit de fond réalisables dans l’argon liquide, en s’appuyant notamment sur l’utilisation de techniques avancées de discrimination des impulsions. La collaboration DEAP-3600 a publié les meilleures limites de matière noire dans l’argon liquide; celles-ci sont complémentaires aux limites obtenues avec d’autres matériaux cibles. Les Canadiens ont également contribué à l’interprétation de ces limites dans le contexte des théories des champs effectifs et de la distribution des vitesses de la matière noire compte tenu des incertitudes de la dynamique galactique.
  • Le programme PICO de chambre à bulles dirigé par le Canada au SNOLAB utilise des cibles fluorées surchauffées pour rechercher des interactions WIMP-noyau qui dépendent du spin. Le détecteur PICO-40 est en service et le détecteur PICO-500 est en construction. La collaboration PICO a publié la contrainte de détection directe la plus stricte sur la section dépendant du spin WIMP-proton.
  • L’expérience SuperCDMS, qui est actuellement déployée au SNOLAB, utilisera des détecteurs au germanium et au silicium pour rechercher des WIMP de faible masse. Les Canadiens ont contribué de manière significative à l’analyse des données obtenues lors des précédents déploiements à Soudan Mine, aux États-Unis, et aux publications qui en ont découlé sur les résultats des détecteurs fonctionnant avec une polarisation à haute tension, exploitant l’effet Luke-Neganov. Ces travaux sont à la base du déploiement de SuperCDMS-SNOLAB. En outre, l’installation canadienne d’essai cryogénique souterrain (CUTE) du SNOLAB a été construite et mise en service, ce qui permettra de procéder à des essais préalables approfondis des cristaux avant leur déploiement dans SuperCDMS-SNOLAB et d’obtenir des résultats préalables concernant la matière noire.
  • Des chercheurs canadiens ont contribué à la publication d’une analyse conjointe avec les observatoires de neutrinos IceCube et Antares qui recherchent l’annihilation de la matière noire au centre de la Voie lactée. Bien qu’aucun excès par rapport au bruit de fond attendu ne soit observé, ces limites présentent une amélioration allant jusqu’à un facteur deux dans la gamme de masse de matière noire pertinente par rapport aux limites individuelles publiées par les deux collaborations.
  • L’expérience NEWS-G dirigée par le Canada au SNOLAB recherche les WIMP de faible masse à l’aide de compteurs proportionnels sphériques remplis de gaz de faible masse atomique, comme le néon, le méthane et l’hélium, et présente donc une sensibilité particulière aux WIMP de faible masse. Les Canadiens ont contribué à la publication des premiers résultats de recherche de matière noire avec un compteur proportionnel sphérique au Laboratoire Souterrain de Modane, en France. Au moment de la publication, les résultats ont établi de nouvelles contraintes sur la section efficace de la diffusion WIMP-nucléon indépendante du spin pour les masses de WIMP inférieures à 0,6 GeV. Les Canadiens ont également contribué de façon significative à l’installation et à la mise en service de l’expérience au SNOLAB, qui sera exploitée sous peu.
  • Les Canadiens ont initié et développé la nouvelle collaboration internationale SBC pour le développement d’une chambre à bulles scintillantes qui combinera la scintillation des liquides nobles avec le rejet des bruits de fond électromagnétiques que l’on trouve dans les chambres à bulles, afin de rechercher des WIMP de faible masse. Les Canadiens ont participé à l’élaboration de tous les aspects de l’expérience.

Les théoriciens canadiens ont participé activement à l’élaboration de modèles pour la matière noire sur toute la gamme de masses, en étudiant une série de contraintes astrophysiques et terrestres. Ils ont proposé de nombreuses idées nouvelles pour la détection directe et indirecte.

Moteur scientifique —
Nouveaux principes et nouvelles structures physiques

Les physiciens théoriciens explorent incités à explorer des questions fondamentales sur la structure même de la théorie quantique relativiste des champs, le fondement qui sous-tend le modèle standard (MS) de la physique des particules. Ces questions couvrent un champ particulièrement large et visent des objectifs ambitieux, notamment la compréhension de la nature ultime de la physique des hautes énergies, et l’unification de la physique des particules avec la gravité.

Bien que le modèle standard constitue une réalisation scientifique remarquable et qu’un haut degré de contrôle quantitatif ait été atteint dans un certain nombre de régimes, une compréhension complète des éléments constitutifs de la théorie quantique des champs n’a pas encore été atteinte et certains mystères doivent être élucidés. L’examen a révélé des connexions surprenantes, par exemple des dualités entre des théories apparemment sans rapport, ce qui a conduit à de nouvelles techniques de calcul à la fois pour le couplage faible et le couplage fort. Récemment, d’importants progrès dans l’étude de la théorie des champs fortement couplés ont fait intervenir l’approche dite « Bootstrap conforme », dans laquelle les contraintes d’analyticité et d’unitarité sont utilisées pour extraire des informations sur les théories des champs quantiques, même en l’absence d’une expansion perturbatrice traditionnelle. La théorie de jauge sur réseau est une approche plus directe pour comprendre la dynamique forte dans les théories de jauge et la théorie de la chromodynamique quantique (QCD) en particulier, et fait également l’objet d’un développement théorique considérable, par exemple pour comprendre les fermions chiraux, peut-être comme application potentielle pour l’informatique quantique. Un autre axe de recherche récent est l’étude des amplitudes de diffusion, qui permet de mieux comprendre les structures géométriques sous-jacentes, peut-être même la nature de l’espace-temps, ainsi que des méthodes pratiques pour effectuer des calculs en QCD et en gravité. Nombre de ces approches reposent notamment sur des liens profonds et croissants entre les méthodologies formelles et phénoménologiques de la théorie des particules.

Une compréhension cohérente et complète de la gravité au niveau quantique reste l’un des plus grands défis de la physique. La théorie des cordes fournit un cadre théorique qui tient compte à la fois de la relativité générale classique et de la mécanique quantique, mais elle est une structure mathématique riche et son application concrète à la physique subatomique reste moins claire. Plus récemment, l’exploration de la théorie des cordes a permis d’élucider de nombreux aspects non triviaux de la théorie quantique des champs, de la QCD, de la physique de la matière condensée, des trous noirs, de l’espace-temps, de l’information quantique et des mathématiques formelles, ainsi que les liens entre ces éléments. La structure la plus ambitieuse et la plus originale à émerger de cette méthode est peut-être la correspondance ou l’holographie AdS/CFT, qui relie les théories de la gravité aux théories quantiques des champs dans les dimensions inférieures. Réalisée il y a près de 25 ans, cette découverte continue de stimuler un vaste ensemble de travaux théoriques portant sur la dynamique forte dans les théories quantiques des champs et concernant la physique des particules et de la matière condensée, la dynamique thermique, l’hydrodynamique et le plasma quark-gluon, ainsi que les trous noirs. Ces dernières années, cette approche de la physique (quantique) des trous noirs a établi de nouvelles connexions avec la théorie de l’information quantique et l’informatique quantique, et a généré de nouvelles idées sur le rayonnement de Hawking et une résolution possible du paradoxe de la perte d’information. Certaines de ces nouvelles idées peuvent être formulées dans le langage traditionnel des intégrales de trajectoire gravitationnelle, ce qui montre une fois de plus la capacité de cette double perspective à fournir un point de vue nouveau et productif sur des énigmes profondes de la physique conventionnelle. Au-delà de la gravité elle-même, la cohérence interne de la théorie des cordes a fourni des indices sur les lieux où chercher une nouvelle physique au-delà du modèle standard. Par exemple, les dimensions supplémentaires constituent un nouveau point de vue à partir duquel on peut considérer la sensibilité de l’échelle électrofaible aux corrections quantiques et l’origine de la structure de la symétrie des saveurs dans le modèle standard.

La synergie entre la physique des particules et la cosmologie précoce offre de plus un terrain fertile pour la recherche théorique formelle qui vise à comprendre l’univers primordial. Les données cosmologiques actuelles exigent une époque primitive d’inflation ou une autre description qui produit les caractéristiques à grande échelle observées aujourd’hui et les origines de la structure. Une compréhension théorique complète de la cosmologie primitive, et de ses conditions initiales, reste un domaine de recherche actif et l’un des rares secteurs où la physique subatomique à très haute échelle peut laisser des traces observables. En effet, les origines de la structure peuvent nous donner des indices sur la nature particulaire de la matière noire, tandis que les preuves de l’inflation peuvent nous renseigner sur la structure à très haute énergie de la physique subatomique. Divers scénarios d’univers primitifs conduisent également à de nouvelles prédictions, telles que la formation de trous noirs primordiaux, des transitions de phase ou des défauts topologiques, qui sont aujourd’hui considérés comme des sources potentiellement observables d’ondes gravitationnelles. Enfin, la compréhension de la nature de l’énergie sombre, ou de la petite taille de la constante cosmologique, reste un autre grand défi à l’étude qui se situe à l’intersection de la théorie quantique des champs et de la gravité, et qui pourrait conduire à la compréhension d’autres aspects profonds de la physique fondamentale.

Contributions et
réalisations canadiennes

La communauté canadienne de la théorie formelle a activement contribué aux progrès réalisés dans les recherches décrites ci-dessus et, dans de nombreux cas, elle a joué le rôle de chef de file. Voici des exemples concrets de développement depuis le dernier PLT :

  • Nouvelles perspectives sur la structure des amplitudes de diffusion dans la théorie quantique des champs et la gravité, ainsi que sur les composantes fondamentales associées de la théorie des champs et de la théorie des champs conformes.
  • Meilleure compréhension fondamentale des systèmes thermiques, du régime hydrodynamique relativiste et de ses applications, par exemple au plasma quark-gluon.
  • Nouvelle compréhension de la structure de phase et de la dynamique des théories de jauge fortement couplées.
  • Meilleure compréhension de l’holographie et des liens entre les trous noirs et la structure de l’espace-temps avec la théorie de l’information quantique.
  • Nouvel aperçu des caractéristiques quantiques des trous noirs, de l’entropie et des modèles de gravité quantique de faible dimension.
  • Progrès variés dans la compréhension de la théorie quantique des champs dans l’univers primordial, dans l’espace-temps de Sitter, et implications pour les signatures des ondes gravitationnelles.

Le Canada possède des centres théoriques de haut niveau, notamment l’Institut Périmètre, mais la communauté de la théorie formelle est diverse et largement répartie sur l’ensemble du territoire canadien. Les chercheurs collaborent activement au sein de petites équipes, souvent internationales.

Moteur scientifique —
Propriétés et phases des hadrons

La nature des quarks et des gluons, les constituants fondamentaux des hadrons, est l’un des principaux problèmes non résolus de la physique moderne. Les interactions fortes entre quarks et gluons à très hautes énergies (échelles de distances courtes) sont décrites dans le modèle standard par la théorie de la chromodynamique quantique (QCD), mais la compréhension complète de la force forte à longues distances, où le confinement des quarks domine, est l’un des principaux problèmes non résolus de la physique subatomique.

On adopte des approches différentes pour mieux comprendre le régime non-perturbateur de la QCD, où domine le confinement des quarks (couleur). Une stratégie consiste à mesurer les propriétés des hadrons, telles que la masse, le spin et la polarisabilité, dans des expériences de diffusion d’électrons et de photoproduction. Une autre possibilité consiste à rechercher des mésons hybrides dont l’existence est prédite par des calculs de QCD sur réseau, afin de comprendre comment les degrés de liberté des quarks et des gluons présents dans le lagrangien fondamental de la QCD se manifestent dans le spectre des hadrons. La mise en évidence de nouveaux types d’hadrons, notamment les états tétraquark et pentaquark, est une découverte passionnante qui motive fortement la poursuite des études. Les mesures des facteurs de forme électromagnétiques des mésons, tels que le pion et le kaon chargés, permettront d’élucider le rôle du confinement et de la rupture de symétrie chirale dans la fixation de la taille et de la masse de l’hadron, ainsi que la transition entre les domaines de la QCD perturbative et de couplage fort (distances courtes et longues). La matière exotique peut également être créée par la collision de noyaux à des énergies relativistes, créant des conditions similaires à celles qui existaient peu après le Big Bang, ce qui permet de construire le diagramme de phase de la matière nucléaire.

Contributions et
réalisations canadiennes

Les Canadiens sont à l’avant-garde de la quête de compréhension des propriétés des hadrons, tant sur le plan expérimental que théorique. Les réalisations canadiennes au cours des cinq dernières années sont les suivantes.

  • La communauté théorique canadienne s’appuie sur une série d’approches de calcul, notamment la QCD sur réseau, la QCD holographique à cône de lumière et la théorie de la perturbation chirale, pour faire progresser le domaine et soutenir les efforts expérimentaux canadiens. Par exemple, parmi les réalisations récentes, on peut citer le premier calcul direct de QCD sur réseau prédisant l’existence de tétraquarks avec un contenu de valence udbb et des calculs des prédictions du modèle standard pour le rapport d’embranchement différentiel de la désintégration rare Bs → ϕμ+μ−.
  • Le projet GlueX, qui se déroule actuellement au Jefferson Laboratory, vise à mesurer les propriétés des mésons hybrides produits par photoproduction. Les Canadiens ont conservé la responsabilité des étalonnages de gain des PMT en silicium pour le calorimètre Barrel qui a été conçu et construit au Canada. L’équipe canadienne a également dirigé la mesure de l’asymétrie photon-faisceau pour les mésons η et η′ , concluant que ce processus de photoproduction est dominé par l’échange de parité naturelle avec une faible dépendance au transfert de momentum.
  • Le programme consacré aux facteurs de forme des pions au Jefferson Laboratory a été dirigé par des Canadiens, qui ont obtenu plus de 1 000 citations pour leur travail de collecte et d’analyse des données issues de diverses expériences.
  • Les Canadiens ont mené un programme de mesures pour extraire les polarisations de spin du proton au Mictrotrom de Mainz (MAMI), en Allemagne. Ces polarisations sont des observables fondamentales de la structure des hadrons. Elles peuvent être calculées à l’aide de divers modèles inspirés de la QCD et de théories effectives. De nombreuses mesures ont été publiées et se sont révélées en accord avec plusieurs types de prédictions obtenues de différentes approches théoriques.
  • Les Canadiens continuent de jouer un rôle essentiel dans l’étude des collisions d’ions lourds ultra-relativistes en général, et des propriétés du plasma quark-gluon en particulier, grâce aux calculs des observables expérimentales pertinentes en utilisant des techniques d’hydrodynamique et au développement de ce formalisme. La participation canadienne à ces efforts a stimulé l’élaboration des concepts de détecteurs requis dans les collisionneurs d’ions lourds passés et futurs, et a permis de faire progresser nos connaissances sur la structure des hadrons.

Moteur scientifique —
Structure nucléaire

Les noyaux atomiques, le cœur de toute la matière visible, constituent des systèmes uniques de fermions en forte interaction. Les propriétés et la structure des noyaux sont d’une importance capitale pour de nombreux aspects de la physique, à des échelles allant de 10−15m (rayon du proton) à 104m (rayon des étoiles à neutrons), ainsi que pour l’histoire de l’évolution de l’univers. Plusieurs phénomènes rencontrés dans les noyaux partagent également des ingrédients communs de physique fondamentale avec d’autres systèmes mésoscopiques, ce qui rend la recherche sur la structure nucléaire pertinente pour d’autres domaines de la science contemporaine, par exemple en matière condensée et en physique atomique.

Il existe une grande variété de noyaux dans l’univers, mais les modèles nucléaires traditionnels sont basés sur les propriétés de ceux qui existent sur Terre ou qui peuvent être créés artificiellement avec des demi-vies relativement longues. Les isotopes rares, avec des noyaux à la limite de la liaison nucléaire, ouvrent une nouvelle fenêtre sur la structure nucléaire. Leurs propriétés observées présentent des écarts inattendus par rapport aux modèles actuels, ce qui remet en question notre compréhension fondamentale des principes de la nature dans la construction de ces systèmes quantiques à corps multiples.

Les recherches actuelles en physique nucléaire à basse énergie portent sur l’existence des noyaux atomiques, leurs limites et leur structure sous-jacente. Elle vise également à décrire les interactions entre les noyaux et les processus dynamiques tels que la fission. Le but ultime est d’obtenir une compréhension prédictive des noyaux et de leurs interactions, fondée sur la théorie fondamentale de la QCD et la théorie électrofaible. On arrive à saisir les défis actuels de la structure nucléaire par les questions primordiales suivantes. Comment la structure des noyaux émerge-t-elle des forces nucléaires? Quelles nouvelles caractéristiques et quels nouveaux phénomènes apparaissent avec une grande asymétrie neutron-proton dans les isotopes rares? La troisième question concerne le rôle des isotopes rares dans la formation de la matière visible dans l’univers conduit au dernier moteur scientifique abordé dans la sous-section suivante.

Les réponses à ces questions découleront d’une compréhension plus large et plus approfondie des noyaux atomiques, tant sur le plan expérimental que théorique. Ces dernières décennies ont vu des progrès dans notre compréhension de la force nucléaire forte. Cependant, l’étude des noyaux exotiques, rendue possible par les développements des faisceaux d’isotopes rares, bouleverse les connaissances conventionnelles sur l’organisation des protons et des neutrons, notamment avec une grande asymétrie neutron-proton aux limites de la liaison nucléaire. Par exemple, de nouvelles formes de noyaux, de halos nucléaires et de peaux de neutrons apparaissent. Les écarts bien établis des couches à proximité de la région de stabilité nucléaire sont également érodés par les effets de spin-isospin des forces à deux noyaux (2N) et à trois noyaux (3N) et de nouveaux nombres magiques apparaissent loin de la région de stabilité.

L’exploration des isotopes rares vers les limites extrêmes des liaisons N et Z fournira les informations nécessaires à une compréhension globale des noyaux. Cette exploration révèle de nouvelles caractéristiques quantiques à plusieurs corps. Elle nous conduit vers une vraie compréhension globale des systèmes quantiques complexes et des mécanismes responsables des caractéristiques émergentes trouvées dans les noyaux atomiques. En outre, elle ouvrira de nouvelles voies aux contributions interdisciplinaires dans les sciences fondamentales et les applications sociétales.

Contributions et
réalisations canadiennes

Le Canada est un leader mondial dans la description théorique des noyaux atomiques à partir des premiers principes. Le but ultime de ces efforts est de développer une théorie ab-initio prédictive de la structure nucléaire et des réactions nucléaires, afin de comprendre les noyaux étudiés dans les installations d’isotopes rares. La collaboration existante et étroite entre les expérimentateurs et les théoriciens canadiens a permis d’obtenir un retour d’information concernant la qualité des interactions internucléoniques utilisées comme données d’entrée dans ces calculs, ce qui a permis d’améliorer la connaissance de l’interaction entre les forces 2N et 3N. La liste suivante met en évidence les réalisations récentes du Canada au cours des cinq dernières années.

  • Des Canadiens ont contribué à révéler les empreintes de la force nucléaire à partir d’une étude de la diffusion élastique des protons sur 10C. L’expérience dirigée par le Canada, réalisée avec l’installation IRIS au laboratoire TRIUMF-ISAC, a mesuré la forme et l’ampleur de la section différentielle. Les calculs ab initio des réactions nucléaires effectués dans le cadre d’une collaboration dirigée par le groupe de théorie TRIUMF ont montré que ces observables sont fortement sensibles à la prescription de la force nucléaire. La comparaison avec les données suggère que l’interaction effective chirale N2LOsat fournit une meilleure description de la force nucléaire par rapport aux autres forces, même si elle n’est pas tout à fait adéquate.
  • Les taux de désintégration β dans les noyaux, systématiquement plus faibles que pour les neutrons libres, impliquent une atténuation apparente de la constante de couplage fondamentale. Une collaboration internationale dans le champ de la théorie, avec des contributeurs clés du groupe de théorie nucléaire de TRIUMF, a récemment résolu cette énigme vieille de 50 ans à partir des premiers principes. Leurs travaux ont montré que cette extinction résulte dans une large mesure du couplage de la force faible à deux nucléons ainsi que des corrélations fortes dans le noyau. En combinant les théories effectives des champs des forces fortes et faibles avec de puissantes techniques quantiques à plusieurs corps, le groupe a effectué des calculs ab initio de désintégrations β à partir de noyaux de masse légère et moyenne jusqu’à 100Sn, qui sont cohérents avec les données expérimentales. Ces résultats ont également des implications sur la synthèse des éléments lourds dans les fusions d’étoiles à neutrons et sur les prédictions concernant la double désintégration β sans émission de neutrinos.
  • Les Canadiens ont aussi apporté d’importantes contributions à la mesure et à la compréhension des noyaux de HALO. Par exemple, des études récentes menées sous la direction du Canada avec la Radioactive Ion Beam Factory (RIBF) au centre RIKEN Nishina au Japon ont dévoilé un HALO à deux neutrons dans 29F. Il s’agit à ce jour du HALO le plus lourd et du premier HALO borroméen observé dans la couche sd des protons. Alors que les résultats sont expliqués par les calculs de pointe du modèle de couche avec des interactions effectives, les prédictions ab initio sont contestées pour expliquer le HALO dans 29F, ce qui montre une fois de plus les limitations de nos connaissances de la force nucléaire à partir des premiers principes
  • Les Canadiens ont contribué aux mesures de masse de haute précision des isotopes 50–55Sc au LEBIT et aux installations TITAN à TRIUMF. Ce travail a permis d’ajouter des informations importantes à la compréhension des phénomènes émergents de couche fermée dans le domaine de l’énergie nucléaire N=32 et N=34 au-dessus du nombre magique Z=20. Plus précisément, les nouvelles données ont permis de caractériser de manière complète et précise les tendances des énergies de liaison de l’état fondamental le long de l’isotone N=32, confirmant que les énergies empiriques de l’intervalle des couches neutroniques atteignent un pic au niveau du 52Ca doublement magique. De plus, les résultats suggèrent que le comportement de couche fermée n’apparaît dans la surface de la masse que pour N < 20.
  • Les Canadiens ont dirigé la récente étude de la structure du 80Ge à l’aide du spectromètre GRIFFIN au TRIUMF-ISAC. Les nouvelles preuves expérimentales combinées aux prédictions du modèle des couches ont clairement montré que la coexistence de formes à énergie basse n’est pas présente dans 80Ge, contrairement aux résultats rapportés précédemment.

Moteur scientifique —
Formation cosmique des noyaux

L’humanité cherche depuis longtemps à comprendre l’origine de la matière visible et l’abondance des noyaux stables et à longue durée de vie. Il a été fermement établi que la synthèse des éléments dans l’univers se produit par le biais de divers processus nucléaires, de la combustion stellaire latente aux conditions dynamiques impliquant le reste des explosions stellaires et les fusions d’objets compacts. Toutefois, seulement la moitié du nombre total de noyaux qui devraient exister entre la ligne de fuite des neutrons et celle des protons a été découverte, soit environ 3 450 noyaux. Il reste beaucoup à faire pour expliquer précisément les différents processus de nucléosynthèse qui entrent en jeu.

Pour comprendre la nucléosynthèse, il faut combiner les observations et les simulations astrophysiques, les données de la physique nucléaire et les prévisions de la théorie nucléaire. Plus précisément, du point de vue de la physique nucléaire, l’étude des réactions astrophysiques d’intérêt et la connaissance des propriétés des noyaux impliqués nécessitent des faisceaux d’ions radioactifs arrêtés et accélérés tels que ceux produits par l’installation ISAC et ARIEL à TRIUMF. Les mesures de physique nucléaire peuvent également contribuer à élucider la physique des étoiles à neutrons, les objets les plus petits et les plus denses de l’univers, et les explosions de supernovæ, notamment grâce à des mesures précises de l’épaisseur de la peau des neutrons dans les noyaux riches en neutrons, qui permettent de contraindre l’équation d’état de la matière nucléaire riche en neutrons.

Ce domaine est de plus en forte synergie avec l’astronomie multimessager, comme en témoignent les remarquables observations simultanées de la fusion binaire d’étoiles à neutrons GW170817 à plusieurs longueurs d’onde électromagnétiques, déclenchées par l’interférométrie des ondes gravitationnelles.

Contributions et
réalisations canadiennes

Les efforts de recherche de la communauté canadienne de physique nucléaire couvrent tous les processus de la nucléosynthèse, ainsi que les phénomènes astrophysiques associés. Les installations ISAC et ARIEL de TRIUMF au Canada offrent d’immenses possibilités pour de telles études, et les Canadiens dirigent un grand nombre de ces projets. Les Canadiens participent également à des projets choisis dans des installations extraterritoriales utilisant une technologie complémentaire. Certains faits saillants de la recherche depuis le dernier PLT sont résumés ci-dessous :

  • La mesure directe des réactions de capture de protons à des énergies astrophysiques est possible en utilisant les spectromètres de recul DRAGON et EMMA à TRIUMF. Grâce à cette infrastructure, les Canadiens ont récemment mesuré la valeur de la réaction 38K(p,γ)39Ca, réduisant considérablement les incertitudes dans la connaissance du mécanisme impliqué dans la synthèse de Ar, K et Ca. Les Canadiens ont en outre exploité les capacités conjointes des détecteurs EMMA et TIGRESS à TRIUMF pour effectuer la première mesure de la réaction 83Rb(p,γ)84Sr, une donnée importante dans le processus p pour contraindre la réaction inverse.
  • Les Canadiens ont contribué à plusieurs études de pointe sur les propriétés nucléaires pertinentes des processus de nucléosynthèse. Par exemple, les Canadiens ont effectué des mesures précises de la masse des isotopes de Ga et d’In riches en neutrons pour la nucléosynthèse du processus r à l’aide du piège de Penning TITAN. Ils ont également contribué à la mesure précise de la demi-vie du 130Cd avec le spectromètre GRIFFIN à TRIUMF, ce qui a permis de résoudre les divergences entre les mesures précédentes pour ce noyau crucial du processus r. Les Canadiens ont de plus participé au projet BRIKEN au RIBF, au Japon, en mesurant les demi-vies et les rapports de ramification des neutrons pour les noyaux riches en neutrons les plus exotiques sur une large gamme de masses. Ils ont de la sorte dirigé la mise au point d’une base de données de référence sur les émetteurs de neutrons à retardement bêta à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
  • Les chercheurs canadiens ont élaboré des programmes pour mesurer indirectement le taux de capture des neutrons dans la synthèse des éléments lourds en utilisant l’infrastructure de TRIUMF, Michigan State University et Argonne National Lab.
  • Les chercheurs canadiens ont mené des efforts continus pour mesurer l’épaisseur de la peau des neutrons dans 48Ca par diffusion d’électrons violant la parité en utilisant l’expérience CREX.
  • Les Canadiens ont continué à maintenir une position de leader mondial dans la prédiction des propriétés de la structure nucléaire qui sont nécessaires à l’astrophysique nucléaire. Par exemple, les Canadiens ont atteint un niveau de précision impressionnant dans le calcul des taux de capture directe du 8Li(n,γ)9Li en utilisant la théorie ab initio de la réaction. Les Canadiens ont également poursuivi des simulations astrophysiques de fusions binaires.

Impact et synergies avec d’autres domaines

L’objectif primordial de la physique subatomique, qui est de repousser les limites de nos connaissances sur la composition de l’univers, et le développement connexe d’outils de recherche spécialisés, créent naturellement des liens étroits avec de nombreux autres domaines de recherche.

Des possibilités et des synergies uniques existent à la frontière entre la recherche en physique subatomique et d’autres domaines, tant sur le plan scientifique que technologique. D’un point de vue scientifique, les découvertes dans les domaines de l’astrophysique et de la cosmologie fournissent des informations complémentaires pour aborder plusieurs des moteurs scientifiques de la physique subatomique, et à son tour, l’avancement des connaissances en physique subatomique a un impact direct sur les modèles des phénomènes cosmologiques et astrophysiques. Par exemple, l’approche multimessager qui se développe rapidement pour étudier les objets astrophysiques se situe précisément à la frontière entre les domaines de la physique subatomique et de l’astrophysique. D’un point de vue technologique, les techniques et les instruments mis au point pour la recherche en physique subatomique ont été, et continuent d’être, adaptés pour leur utilisation dans un large éventail d’autres domaines, ouvrant la voie à des travaux innovants et révolutionnaires. Ces domaines comprennent notamment la biologie, la science des données, le génie électrique, la science des matériaux, l’imagerie médicale et la santé publique. Parmi les exemples spécifiques de ces synergies, citons les techniques de détection de particules utilisées en imagerie médicale, la spectrométrie de masse par accélérateur employée dans la recherche biomédicale et en archéologie pour la datation au radiocarbone, l’imagerie nucléaire appliquée des plantes et du sol et la tomographie à muons utilisée dans plusieurs domaines tels que la géologie, la sécurité et la protection de l’environnement. De leur côté, les développements dans le domaine de la détection quantique et des techniques de physique atomique, moléculaire et optique offrent des possibilités nouvelles, voire révolutionnaires, de répondre aux enjeux scientifiques de la physique subatomique. Les développements de la technologie des accélérateurs pour la physique subatomique ont également des applications dans les accélérateurs pour la science des matériaux, le diagnostic et le traitement médical ainsi que les applications industrielles telles que la sécurité, l’environnement et le stockage des aliments.

En résumé, il existe de précieuses occasions scientifiques dans la collaboration interdisciplinaire aux frontières entre différents domaines, et la recherche en physique subatomique est particulièrement bien placée pour contribuer aux initiatives dans les régions de chevauchement avec d’autres domaines et en bénéficier (voir figure 2).

Figure 2.
Représentation schématique des huit moteurs scientifiques pour le domaine de la recherche en physique subatomique et exemples de synergies avec d’autres domaines de recherche.
Reconstruction par ordinateur du résultat d’une collision proton-proton de haute énergie enregistrée par le détecteur ATLAS au Grand collisionneur de hadrons (LHC), un accélérateur de particules du laboratoire du CERN en Suisse. [Crédit : Collaboration ATLAS]
La collaboration SuperCDMS recherche des particules de matière noire dont la masse est inférieure à dix fois la masse du proton. La détection de ces particules révolutionnerait notre compréhension du monde subatomique et ouvrirait une fenêtre sur un ensemble totalement inconnu de nouvelles particules.

Étudiante de premier cycle aidant à préparer un nouveau détecteur SuperCDMS pour un premier test dans des conditions de faible bruit de fond dans l’installation de test cryogénique souterraine (CUTE) de SNOLAB. [Crédit : SNOLAB]
Une étudiante diplômée et un étudiant de premier cycle discutant d’aspects techniques de l’expérience SuperCDMS. [Crédit : SLAC]
Une tour d’ingénierie SuperCDMS sera installée au SNOLAB. [Crédit : SLAC]
DESCANT est un détecteur de neutrons conçu sur mesure qui fournit des informations essentielles sur la structure des noyaux exotiques étudiés à TRIUMF. Les mesures de la probabilité d’émission de neutrons dans divers noyaux exotiques sont essentielles pour comprendre la formation des éléments dans les étoiles qui explosent, et trouvent également des applications dans l’ingénierie nucléaire et la conception avancée de réacteurs à cycle du combustible. [Crédit : R. Etkin]
la section suivante